Lancement du Club les Cosmiques
La cordée des décideurs passionnés de montagne.
Nous avons eu la chance de lancer notre communauté Mountain Path lors d’une conversation sobre et puissante, en présence d’Etienne Klein et Emmanuel Faber. La magnifique formule “les conquérants de l’inutile” de Lionel Terray pose un lien ambigu à l’utilité et à l’absurdité de gravir une montagne. Une ascension concentre plusieurs dimensions fortes parfois antagonistes : la puissance de l’émerveillement, la peur du vide, l’effort et la souffrance, l’intensité de l’action dans le temps court et celui de la contemplation et de la poésie du temps long. Alors la montagne est-elle inutile ?
Etienne Klein s’appuie sur l’exemple de la découverte du Boson de Higgs pour exprimer le fait « qu’il est difficile de faire comprendre qu'une découverte est fondamentale si elle n'a pas d'application pratique". D’une certaine manière, il est du Boson comme de l’alpinisme…La question de l’appréhension du réel lors d’une ascension évoque pour lui une citation de A.Artaud qui explique qu’à un moment "l'esprit devient mince comme un main". Il s’agit un peu de cela, lors de l’ascension, le cerveau se comprime et se focalise sur la réalité immédiate.”
Etre ici et maintenant.
Emmanuel Faber confirme cette sensation puissante : « quand on touche à l’essentiel, la question de l’utile ne se pose plus. C’est comme une sorte de passage à la limite où l'on bascule de l’utile à l’essentiel. Et c’est ce passage à la limite que je touche quand je suis en montagne. “ Il existe une montagne où les hommes vivent, et la montagne où les hommes sont tolérés. Comme le désert ou la mer, la montagne a poussé l’homme à inventer un véhicule pour qu’il puisse traverser ces espaces inhospitaliers : la cordée". La cordée serait un peu le contrat social matérialisé en montagne évoqué par Michel Serres.
Comment on redescend de la montagne, comment peut-elle nous aider dans la vie de la cité ? Ou est-ce que ce qu’on vit là-haut a vocation à rester là-haut ? Quelles leçons peut-on tirer de la montagne comme philosophe ou comme dirigeant ? “Un homme, ca s’empêche” (Albert Camus)
Aristote disait que « le mouvement transforme l’objet”. C’est valable pour l’alpinisme, nous précise Etienne Klein : “Les relations humaines dans une cordée sont toujours des relations très fortes maintenues en dessous de l'hystérie, les gens se comportent bien dans une cordée.”
Va grimper !
“Je n'aurai pas pris le quart des risques que j'ai pris si je n'étais pas allé très régulièrement faire le plein d'essentiel en altitude. Je vais grimper deux à trois fois par semaine. Même quand ce n’est pas en montagne j'ai besoin de retrouver le geste, avoir quelqu’un qui m'assure... Certains moments, mes potes me jetaient dehors car j’étais devenu insupportable : « va grimper ! ». Emmanuel Faber
Changer le Monde
“J'ai un rapport ambivalent avec le mot urgence : j'ai l'impression qu'on se raconte des histoires. Le temps n'a pas de vitesse. Il n'y a pas d'accélération qui mène à l'urgence. Ce qui mène à l’urgence, c’est la superposition des présents.” Etienne Klein
“Tout d’abord, nous ne sommes ni pur esprit, ni pur cœur, ni pur corps ...Il est certain que je ne redescends jamais indemne d’une course, d'une façon ou d'une autre je redescends transformé. Concernant la question de changer le monde : je ne crois pas qu'il existe de “système” ! Il n'y a pas de système : il y a des gens qui "font le système", d'autres qui en profitent... Je pense que le monde ne change que si je change moi-même et ainsi, si je change, il change inévitablement, c'est sûr, puisque que je suis une part du monde.” Emmanuel Faber