L'invention du métier de guide

L’étymologie du mot “guide” se perd dans des variations indo-européennes, mais chacun s’accorde sur l’idée de son rôle essentiel qui est de “montrer le chemin”. Si l’on cherche le sens latin, cela nous orientera vers la figure du chef (“dux”), alors que le sens grec nous indique celui qui montre le chemin “odos”. Le mot “guide” désigne donc cette alliance subtile entre la figure symbolique du chef et celle de celui qui montre le chemin...

 
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En montagne, la figure du guide symbolise les valeurs fortes de la responsabilité et de l’engagement au service des clients. Au fil des décennies, il est aussi devenu un symbole de liberté.

L’organisation de ce métier est consécutive à un des premiers drames du Mont-Blanc en août 1820 voici 200 ans : l’affaire du docteur Hamel. 

La caravane formée des guides, des porteurs et des clients Hamel et Anderson traverse le village de Chamonix et le hameau des Pèlerins pour rejoindre l’itinéraire historique de la première ascension du Mont Blanc en 1786 par Balmat et Paccard. Après deux nuits passées aux Grands-Mulets, les deux clients exigent de parvenir jusqu’au sommet malgré des conditions météorologiques défavorables. Les guides, qui sont au nombre de treize, n’osent refuser ce caprice. Le client est roi ! Alexandre Dumas raconte : «A huit heures du matin, le docteur Hamel voulut continuer le voyage. Si l’un de nous avait eu cette idée, nous l’aurions pris pour un fou et nous lui eussions lié la jambe afin qu’il ne pût faire un pas; mais le docteur était étranger, il ignorait les dangereux caprices de la montagne; nous nous contentâmes donc de lui répondre que faire seulement deux lieues, malgré les avertissements que le ciel donnait à la terre, c’était défier la Providence et tenter Dieu. Le docteur Hamel frappa du pied, se retourna vers le colonel Anderson, et murmura le mot : Lâches.» Les guides accusent le coup mais reprennent leur progression dans de la neige fraîche qui leur arrive à la hauteur des genoux. Alexandre Dumas poursuit : «En marchant sur une seule ligne, nous tranchions, comme avec une charrue, cette neige molle et nouvelle qui n’avait point encore d’appui; dès lors, le talus étant trop rapide pour la retenir en équilibre, elle dut glisser.”

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L’avalanche emporte le groupe et une partie est précipitée au fond d’une crevasse. Les survivants s’extraient comme ils le peuvent, mais le constat est effarant : trois guides manquent à l’appel. “Les autres sont dans le grande crevasse” répondit Mathieu Balmat qui se tordait les mains de désespoir. La redescente est éprouvante et rapidement les accusations sont lancées contre l’attitude du docteur Hamel. De son côté, il critique l’attentisme des guides lors de l’avalanche et leur incapacité à faire face. La vallée est meurtrie. Le gouvernement Sarde accordera des pensions aux veuves et soutiendra les démarches des guides pour créer une organisation nouvelle avec une caisse de secours afin de venir en aide en cas d’accident d’un des leurs. Dès 1821, la compagnie des guides de Chamonix verra le jour, ouvrant une nouvelle ère, notamment en rééquilibrant la relation entre le guide et le client et en organisant le partage du travail. Un nouveau métier venait de naître, celui de guide de haute montagne.

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